Donner la lumière

Benoît: Depuis quelques mois, une idée me trottait dans la tête. Comment, lors de notre voyage, s’approcher au plus près des populations locales? Comment faire en sorte d’aller plus loin que la façade proposée aux touristes dans tous les pays? On est souvent pris pour des portefeuilles sur pattes, qu’on gave de nourriture vite préparée et de souvenirs cheap. Mais notre expérience à Otavalo a tout changé. Dans cette région au nord de Quito, au pied du volcan Imbabura, une agence touristique 100% indigène, Runa Tupari, propose plusieurs expériences hors du commun. L’agence fonctionne en coopérative. Les profits sont reversés à la communauté. Le temps d’un week-end, l’agence nous a amené partager la vie des Flores.

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Julie: « A quel âge as-tu donné la lumière? », me demande Maria-Rosa. Nous sommes en train de faire une balade avec une partie de sa famille. Ça fait presque 24 heures que nous nous côtoyons dans le village de Morrochos, juste au nord d’Otavalo, entre les volcans Cotacachi et Imabura. En fait, nous habitons chez-elle, grâce à un programme de tourisme communautaire.

La formule de l’agence Rupa Tupari est simple: nous lui payons 90$ et elle nous emmène dans une famille avec qui nous allons partager les activités quotidiennes pendant 24h. Les familles participantes ont toutes construit une annexe à leur maison avec une jolie chambre et une salle de bain bien équipée. Et nous, nous sommes tombés sur la première famille de l’agence, qui accueille des touristes depuis 13 ans, les Flores.

« Donner la lumière », c’est une jolie expression qui veut dire « donner naissance ». Maria-Rosa a donné la lumière sept fois, la première fois il y a dix-sept ans et la dernière, il y a deux ans. Elle n’a, aujourd’hui, que 34 ans! Si vous faites le calcul, vous comprenez qu’elle gère une famille depuis qu’elle a dix-sept ans. Cette femme incroyable est devenue ma nouvelle idole et je n’arrête pas de penser à elle depuis notre rencontre. En plus de tenir maison, (son sympathique mari, Miguel, travaille à Quito, gère le programme d’approvisionnement d’eau du village et est musicien…donc souvent parti!) elle s’occupe de l’énorme jardin familial, cultive des terres près de sa maison et participe à un programme entrepreneurial de femmes en vue d’exporter des petits fruits dont sont très friands les occidentaux, et dont le nom nous a échappé.

Heureusement, tous les enfants l’aident. Pendant qu’on était là, la plus vieille, Catarine, a fait les repas. Et nous avons participé à la corvée quotidienne d’arroser, un à un, les milles petits plans d’arbres fruitiers. Vous auriez dû voir Anaïk et Maëlle imiter leurs nouvelles amies Anaï (7 ans, quelle coïncidence!) et Sayuri, 4 ans, dans les champs. Maria-Rosa était ravie parce qu’en groupe, on a fini en moins d’une heure, au lieu des trois heures quotidiennes! En échange, elle m’a aidé (lire montré) à laver nos chaussures et pantalons pleins de boues, à la main. Les petits (et grands) citadins étaient crasseux alors qu’eux…rien!

Les filles, surtout Anaïk, se sont bien adaptées. Elles ont été surprises de constater que les enfants n’avaient pratiquement aucun jouet et qu’ils dormaient à plusieurs dans quelques lits. Mais Anaïk s’est dite jalouse d’Anaï parce qu’elle avait beaucoup d’animaux (un chien, des chats, des poules, des poussins, un cochon, une vache et des hamsters). Et les filles ne voulaient qu’une chose: S’habiller en vêtements traditionnels des indigènes, si élégantes avec leurs broderies colorées.

Catarine est en train de se préparer pour un concours afin étudier dans un programme de médecine. Mais la famille pourra-t-elle payer? Et les autres qui suivront? Les Flores ont comme projet de déménager dans une plus grande maison sur leur terrain et d’ouvrir un magasin. Et si l’exportation des petits fruits va comme prévu…

Le tourisme communautaire fonctionne. Miguel était fier de nous dire qu’il avait pu payer tous les intérêts sur le prêt hypothécaire pour la chambre d’hôte, dès la première année: 50$! Et qu’il avait payé 150$ sur le capital dès la deuxième année! Inutile de préciser qu’on a omis de parler du prix des maisons de Vancouver!

Je souhaite tellement de bien pour cette famille et je souhaite aux quatre filles de la maison d’étudier et de faire ce qu’elles choisiront comme carrière, si elles le désirent, avant de donner la lumière.

7 réponses sur « Donner la lumière »

  1. Merci pour vos commentaires! En plus du tourisme communautaire, ce village a aussi une manière unique de participer aux tâches collectives. Les habitants ne paient pas d’impôts, et en contrepartie doivent s’acquitter d’un ou plusieurs chantiers communs. On appelle ça les « mingas ». Pour acheminer l’eau au village, la minga a duré 50 ans! Beaucoup de choses à nous apprendre…

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